D’espèce nuisible à poule aux oeufs d’or, le jacuguaçu au Brésil.

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9 septembre 2023





Le Brésil n’a pas encore trouvé la poule aux œufs d’or, mais les grains extraits de fientes du jacuguaçu (penelope obscura) ou en français (pénélope yacouhou), une sorte de faisan qui vit dans la forêt tropicale sud-américaine, permettent de produire un des cafés les plus chers au monde. Le pénélope yacouhou est une espèce d'oiseau de la famille des cracidés. Elle mesure en moyenne 73 centimètres de longueur et pèse en moyenne 1,2 kilogramme. Elle mange des fruits, des fleurs et des bourgeons ramassés sur le sol ou arrachés aux branches d'arbres, dispersant ainsi les graines de diverses espèces d'arbres et palmiers. Elle vit dans les forêts humides subtropicales et tropicales sud-américaine.

Friand de « cerises » de café, le jacuguaçu est un fin gourmet : « il choisit les meilleurs fruits, les plus mûrs », explique à l’AFP Agnael Costa, 23 ans, qui recueille délicatement les précieuses déjections entre deux troncs d’arbre. Dans la ferme Camocim, nichée dans une région vallonnée bucolique de la commune de Domingos-Martins, dans l’État d’Espirito-Santo, le café pousse au milieu d’une forêt luxuriante. « Sans ce modèle de culture agro-forestière durable, il serait impossible de produire le café «Jacu-Bird», explique le propriétaire de la ferme, Henrique Sloper, un adepte de l’agriculture bio-dynamique.

Un produit vendu 1118 réals (R$) environ 305 dollars canadiens (CAD$) le kg au Brésil, voire bien davantage quand il est exporté à l’étranger, où il est distribué entre autres par le grand magasin britannique Harrod’s (£880.00 GBP ou $1,506.88 CAD le kg).








Le jacuguaçu, oiseau sauvage au plumage noir et à la gorge écarlate, n’a pas toujours été le bienvenu à la ferme Camocim. Au début, il était vu comme un parasite vorace qui menaçait les récoltes. C’est en découvrant dans un salon de café, la variété «Kopi-Luwak», fabriqué notamment en Indonésie à partir d’excréments de civette (paradoxurus hermaphroditus), petit mammifère situé entre la belette et le chat sauvage, qu’Henrique Sloper a eu l’idée de faire du jacuguaçu un « allié » plutôt qu’un ennemi.

Et si la réputation de la variété de café «Kopi Luwak» -qui est également vendu à prix d’or - il s’est assombrie par des dénonciations de maltraitance de civettes vivant en captivité, cette variété de «faisan brésilien» est lui en liberté.  « Il est totalement libre dans son habitat naturel », la région du Mata-Atlantica (la forêt native du littoral atlantique brésilien), assure le superviseur de la production de la ferme, Rogério Lemke. « C’est une zone protégée […], et nous n’utilisons pas le moindre produit chimique » dans la plantation de café, insiste-t-il.

La fiente du jacuguaçu ressemble un peu à une barre de céréales grossière, avec les grains beiges ressortant d’une masse pâteuse noirâtre. Une fois ramassée, elles sont soigneusement lavées et séchées dans une serre. Les grains sont ensuite minutieusement triés et décortiqués, avant d’être placés dans une chambre froide avant d'être légèrement torréfiées de manière à conserver leurs arômes complexes « Cela demande beaucoup de travail, c’est pour ça qu’on le vend si cher. C’est impossible de faire du café de jacuguaçu à bas coût. C’est un produit rare, et la production est incertaine, car elle dépend de l’appétit de l’oiseau », affirme Henrique Sloper. Le café extrait d’excréments de jacuguaçu représente moins de 2 % de la production totale de son domaine. « Il nous sert aussi à identifier le meilleur moment pour la cueillette conventionnelle. Quand il mange, cela veut dire que les grains sont mûrs », poursuit-il.




« Le transit intestinal du jacuguaçu est extrêmement rapide, il dure quelques secondes à peine », explique Ensei Neto, spécialiste éminent du café. Il est bien plus lent que chez la civette pour le café «Kopi-Luwak» de la variété indonésienne, ou chez l’éléphant indonésien, dont les bouses sont également utilisées pour produire la variété de café «Black-Ivory», un produit unique de la Thaïlande. « En termes de goût pour le «Jacu-Bird», il n’y a donc pas d’apport particulier, c’est surtout une bonne histoire à raconter... La seule différence majeure, c’est qu’il sélectionne les meilleurs grains, car il est guidé par l’instinct de survie », ajoute-t-il. Et comme les grains sont bien mûrs, cela donne « un café aux notes douces, avec une bonne acidité ». « Ce café est délicieux et l’histoire qui se cache derrière sa production est très originale. C’est une nouvelle expérience pour nous », dit Poliana Cristiana Prego, touriste brésilienne de 37 ans venue goûter le café du jacuguaçu à la ferme. « Nos clients sont des amateurs de produits exotiques, mais aussi des personnes pour lesquelles la notion de développement durable est importante », relève Henrique Sloper. Pour lui, « l’avenir du café est au Brésil ». Premier producteur au monde, le géant sud-américain « commence à mieux vendre son image, pour montrer qu’il est capable de faire du café comme nulle part ailleurs ».  


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Florian Plaucheur pour France-Presse.


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